GénéGallois

La famille, les histoires et l'Histoire

Le cours complémentaire à L'Aigle

C’est ainsi que s’appelait le collège où je suis entrée en classe de sixième, et où je suis allée à l’école jusqu’à 15 ans.

Rentrée 1954

Papa et Maman me conduisent dans cet établissement.
Bien sûr j’étais interne, puisqu’à 35 ou 40 kilomètres de mes parents.
Interne, ça voulait dire un mois en pension, sans revenir à la maison, et seulement une visite des parents en milieu de période.

Je partais avec mes provisions pour le petit déjeuner et le goûter :

  • une boîte d’environ 1kg de beurre salé, fabriqué par Papa,
  • un pot de confiture à la rhubarbe,
  • une tablette de 250g de chocolat à croquer, de la marque Poulain,
  • des poires, quand c’était la saison ou des pommes,
    mais pas de superflu.

Une fois par semaine, une lettre.

La sortie mensuelle : le samedi après-midi, après les cours : 17h, direction la gare de L’Aigle, environ 1km de l’école, portant une valise, trop grande et trop lourde au début, pour aller prendre le car.
Vers 19h arrivée du car à côté de l’église du Sap.
Là, selon les travaux de la ferme, Papa était là, ou pas.

S’il n’était pas là, direction le Bois Besnard, la ferme de Tante Louise Bourgault, où l’accueil était toujours chaleureux, et où résidait la Grand-Mère Haelewyn.

Lundi matin, 7 heures, départ de la Châtellerie. Papa effectuait le voyage vers L’Aigle, avec un arrêt ici et là, pour emmener au fil des kilomètres, tel ou telle qui fréquentait la même école que moi, ou celle des garçons.

À l’époque, notre voiture était une Prairie (Renault) et il n’était pas rare que nous nous retrouvions 6 ou 7 gamins…plus le chauffeur.

8h30, reprise des cours.

Les jeudis et dimanches (alors que nous n’avions pas classe) étaient très organisés. Il faut dire que c’était encore l’après-guerre, et que le confort était manquant.

Pas de confort pour la toilette de tous les jours : une pièce, une table qui court le long des murs, un robinet d’eau froide, où nous allons tour à tour remplir notre cuvette.
La douche, chaque jeudi matin, aux douches municipales, en rang par deux, y compris pour se doucher : une grande élève de 4ème ou 3ème, ou de classe commerciale, avec une petite de sixième. De quoi être à l’aise pour tout le monde !!

Le jeudi matin avaient lieu aussi les rendez-vous chez le dentiste, en rangs par deux, accompagnés d’une surveillante.

Le dimanche pour aller à la messe, sur demande des parents, c’était aussi en rangs par deux.

Et les après-midis de ces deux journées sans école étaient occupées par des promenades, d’environ 5 kilomètres, en rangs par deux, sans parler, pendant la traversée de la ville.

Après, on était plus libres, et c’est là que j’ai appris beaucoup de chants de marche, au contact des filles qui allaient en colonies de vacances et dont les parents travaillaient à l’usine Bohin, ou dans les usines métallurgiques de Rai, Aube.

L’internat était composé de plusieurs bâtiments séparés. Les classes d’étude étaient dans le bâtiment principal, et pour aller de l’un à l’autre nous enfilions des sabots.

Le réfectoire était au premier étage. Nous étions environ cent pensionnaires, réparties en tables de 10 ou 12. Chacune de nous apportait son propre couvert (cuillère à soupe, fourchette, petite cuillère, couteau) gravé à son nom, son rond de serviette ou enveloppe de serviette, et dans cette enveloppe de serviette devait tenir tout ceci plus un torchon, car chacun faisait sa vaisselle :

  • à la fin du repas, une bassine en fer blanc, à moitié remplie d’eau froide, circulait pour 2 tables,
  • chaque enfant secouait son couvert dans cette eau, pour le laver,
  • ensuite l’essuyait et roulait le tout pour le mettre dans le casier.
    Et nous n’étions pas malades !!

Nous participions aussi à de menus travaux de cuisine :

  • trier les lentilles, à cause des cailloux,
  • même chose pour les haricots secs,
  • éplucher les pommes de terre.

Lorsqu’on entrait dans cet établissement, chacune devait aussi apporter son bol, son assiette plate, son assiette creuse et son verre. Mais on ne les revoyait pas, et ils allaient à la collectivité.

Nous apportions aussi notre lit, notre matelas, notre oreiller, nos couvertures.
Mon lit était un lit à sommier métallique, qui se pliait et formant un cube, et qui nous appelions un lit cage.
Matelas et oreiller furent bien sûr confiés à la Mère Husson (vous savez, la sage-femme) ainsi que la confection d’un édredon. Tout ceci fut bien sûr fait avec la laine de nos moutons.

Dans le bâtiment où j’hébergeais, nous étions environ 80 filles, réparties en dortoirs de 4 à 20 filles, sur un seul étage : 3 cabinets de toilette, 3 ou 4 WC.
Je ne vous raconte pas le jour où on nous a obligées à manger une soupe aux haricots qui avait sûri ! Dans la nuit toutes malades ! Procession aux WC.

Mon dortoir était chauffé par un mirus à bois. Il était tout au bout du bâtiment, donnait au-dessus des petites classes de primaire. Desservi par la même entrée que les classes, la porte n’était jamais fermée à clé. Autant vous dire que lorsque malade je devais garder le lit, j’y ai eu les frayeurs de ma vie.

Pendant ce temps, un nouvel internat et un nouveau collège étaient en construction, sur le terrain juste à côté. Nous l’avons intégré pour l’année de classe de troisième (1957-1958). C’était merveilleux : petites chambres de 4 lits, nous avions chacune notre table de nuit, notre armoire. Les douches étaient présente sà chaque étage, et nous faisions notre toilette dans des lavabos. C’était le grand luxe.

Dans la même série...