GénéGallois

La famille, les histoires et l'Histoire

L'Ecole normale d'institutrices

9 rue Balzac Alençon

Nouvel internat.
Nouvelle vie.
Nouvel horizon.
Nouvel environnement

Si à L’Aigle nous venions toutes d’un milieu plus ou moins campagnard, ou de gros villages, ici c’était beaucoup plus hétéroclite :

  • enfants d’enseignants
  • enfants de vignerons venus du bordelais
  • filles de directeur de carrières
  • filles de pharmaciens
  • filles d’entrepreneurs
    beaucoup originaires de la ville, et puis quelques unes issues du milieu agricole.

J’étais peut-être dans ma classe la seule fille d’agriculteurs, qui plus est, non propriétaires.

J’étais encore habillée comme à la campagne, entre autres, portant les chaussettes tricotées à la main par ma grand-mère. Très innocente, je n’avais jamais quitté ma campagne. Pas facile de trouver sa place, mais je n’avais pas le choix.
En plus nous n’étions que deux ou trois, dans ma classe à avoir 15 ans. Les aînées de l’école avaient plus de 20 ans.

Nous étions toutes internes, nourries, logées, blanchies par l’établissement.

En première année, nous occupions des dortoirs de 20 lits.
Puis en deuxième et troisième année, nous étions dans des boxes, séparés par des cloisons, derrière un rideau, ayant chacune notre armoire, notre lavabo, et notre table de nuit.
En quatrième année, nous étions par chambres de 2 ou 3.

Je partageais cet espace avec Marie-Claude, venant de Toulouse, et Nicole, qui habitait vers Alençon. Cette dernière avait l’habitude, une fois les lumières éteintes, de grignoter des douceurs (bonbons, petits gâteaux) sous ses draps, ce qui nous provoquait de sérieux fous rires.
Mais nous n’étions jamais invitées à partager !

Plus de promenades par 2, comme à L’Aigle. Le jeudi après-midi, liberté pour sortir en ville, entre 14 et 17 heures je crois. Mais attention ! Nous étions toujours à la merci de rencontrer l’intendante, la directrice, un prof, et si nous n’étions pas “correctes”, c’était le savon par les autorités !

Les rendez-vous chez le dentiste, le médecin…il suffisait d’inscrire sur le cahier de sorties l’heure de sortie, l’heure de retour, le motif, et de signer.
Je trouvais ça génial !

Par contre, l’Intendante se permettait de dire à une fille maquillée : “allez vous débarbouiller”. Pas le droit au pantalon. Pas le droit aux tenues excentriques : “allez vous rhabiller, ma fille”.
Cette dame Baron, si exigeante, nous aimait bien, et elle était fière de son école, elle était très dévouée !

Une nuit, après une extraction dentaire, je faisais une hémorragie. Une copine est allée la réveiller, et, en pleine nuit, elle est allée à la pharmacie, chercher le nécessaire, et elle m’a soignée.
Nous étions quelque part SES filles, mais elle voulait pouvoir en être fière !!

Cette même Madame Baron était capable du pire !

Quand au petit déjeuner on la voyait débouler en robe de chambre, chignon défait, dans le réfectoire, agiter la sonnette :

Mesdemoiselles, Marcel (c’était un agent de service de l’école) a encore trouvé des WC bouchés

et d’énumérer le pourquoi de la chose, avec force détails, pas toujours appétissants ! Et de continuer :

les volontaires désignées d’office, vous, vous, et vous, irez déboucher ça tout à l’heure !

Je n’ai jamais fait partie de ces élues là. Mais il est vrai que, sortant de la ferme, où nous n’avions aucun confort, je pensais que c’était inadmissible de se conduire de cette façon…et je le pense toujours.

Pour ce qui est des dimanches, beaucoup d’élèves partaient. Pour moi, c’était encore le régime une sortie par mois.

Le car m’emmenait jusqu’à La Croix Rouge, au-dessus de Ticheville et Papa (plus tard mon frère André) venait me chercher. Et le dimanche soir, il fallait me reconduire jusqu’à l’école, pour 20 heures je crois.

Une heure aller, une heure retour, c’était beaucoup ! Donc je ne sortais qu’une fois par mois~

C’est ainsi que j’ai fait connaissance et lié amitié avec Jocelyne, qui par la suite est devenue Jocelyne Perrine.

Toutes deux au même régime, nous avons pris l’habitude de passer nos après-midis à arpenter les rues d’Alençon ou marcher un peu en campagne.
Mais notre dimanche après-midi se terminait toujours de la même façon.
Nous n’avions d’argent à dépenser, ni l’une ni l’autre, que quelques sous. Donc nous passion par la pâtisserie en face Notre-Dame, nous nous achetions une meringue chacune, c’est pas cher au kilo, ça pèse pas lourd, et nous rentrions la manger dans notre chambre, avec…un délicieux verre d’eau !

Parlons argent :

  • le car pour rentrer à la maison me coûtait 70 francs anciens,
  • Maman me donnait 100 francs anciens,

Il me restait 30 francs pour le mois, c’est à dire pour acheter la meringue du dimanche, pour acheter une paire de bas ou tout autre petite chose pour améliorer la tenue.

En quatrième année d’études, nous avions des cours de cuisine, des cours de coupe et couture. J’ai donc fait une robe pour Anna, une robe pour Agnès, une robe pour moi.

Maman a acheté le tissu. Elle a aussi acheté (ou plutôt payé) le tissu pour que je me fasse une robe de chambre (du satin molletonné avec des lignes de roses).
Oh ! C’était beau.

Mais voilà j’ai choisi une forme princesse : chaque devant et le dos étaient d’une pièce, sans couture à la taille. J’ai coupé deux devants droits (tout le monde peut se tromper!!).
J’ai dû me débrouiller pour racheter une hauteur de tissu, sans avoir un sou supplémentaire !
Ça me reste encore en travers de la gorge aujourd’hui !!

Dans la même série...