GénéGallois

La famille, les histoires et l'Histoire

En colonie à Chevilly-Larue !

Une prise de conscience

Nous sommes au printemps 1915. Depuis mi-novembre 1914, le front de l’ouest ne bouge plus. La Belgique est occupée dans sa quasi totalité. Il ne reste qu’une bande limitée au nord par l’Yser : 45 km de long sur 15 de large environ, soit à peine 2% du territoire belge… La population est donc toujours au contact du front. Les écoles sont fermées, les enfants sont exposés : bruit des canons, risques de blessures ou pire…

En mai 1915, durant la deuxième bataille d’Ypres, des personnalités et des œuvres se mobilisent pour ne pas laisser la jeunesse belge dans cet état, à la dérive. La reine Élisabeth de Belgique fonde deux pensionnats près de La Panne (où est exilé le couple royal) qui se révèlent rapidement complets.

Le premier ministre belge, Paul Berryer, s’occupe alors d’évacuer environ 6000 (!) enfants de cette région de l’Yser. Mais pour aller où ?

Les premiers en Normandie

Le gouvernement belge est en exil à Ste Adresse, près du Havre. On trouve alors relativement rapidement 25 lieux d’accueil dans la région formant ce qui sera nomme « le groupe de Normandie ». Deux parlementaires belges (le sénateur François Empain et le député Émile Brunet) se chargent de la région parisienne et trouvent 19 colonies scolaires de 20 à 338 places. Ce sera le « groupe de Paris ».

Les premiers petits Belges arrivent en gare du Nord le 18 mai 1915, suivi par bien d’autres. On trouve trace de ces arrivées dans les journaux de l’époque. Ainsi, Le Matin dans son édition du 19/05/1915 intitule un article « Lapins de tranchées » avec en chapô « Trois cent cinquante petits Belges venant du front sont hospitalisés à Paris ».

Le Matin 19/05/1915
Le Matin 19/05/1915
Trois cent cinquante enfants belges -fillettes et garçonnets- sont arrivés hier à Paris. Ils venaient du front. Quelques sœurs et quelques instituteurs les accompagnaient. Ils débarquèrent à la gare du Nord. Ils furent reçus par les représentants de leur noble pays : MM. Empain et Brunet, membres du parlement belge. De vastes et confortables autocars, conduits par des chauffeurs militaires, transportèrent tout ce petit peuple sur la rive gauche, dans les locaux qu’occupait autrefois le séminaire Saint-Sulpice.
Ces petits Belges viennent des villages du front : Langemarck, Reninghe, Zonnebeke, etc. Le canon tonne par là et les marmites pleuvent. Héroïques comme leurs frères mobilisés, les paysans flamands ne veulent pas quitter les champs qui, si longtemps, les ont nourris. Ils continuent leurs travaux ; ils ont fait les labours et les semailles ; ils veulent faire la récolte. Quand la mitraille menace par trop, ils descendent, eux aussi, dans les tranchées qu’ils ont creusées et dans lesquelles ils passent et leurs nuits et leurs heures de repos. Mais le danger qui ne les effraye point, ils le redoutent pour leurs enfants. Aussi ont-ils accueilli avec reconnaissance la proposition des autorités qui leur dirent un jour :
“Laissez-nous prendre vos enfants. Nous les emmènerons en France ; là, on les soignera bien ; ils continueront leurs petites études. Vous les retrouverez, sains, saufs et savants, le jour de la victoire."
Les paysans flamands ont embrassé leurs gosses et nous les ont confiés.

D’autres suivirent…

Ce premier groupe de 350 jeunes Belges sera suivi par bien d’autres. Le circuit est toujours le même : arrivée à la garde du Nord, court séjour à Paris dans l’ancien séminaire Saint-Sulpice où le Secours de Guerre (œuvre franco-belge d’assistance) les accueille et les héberge. Ils sont ensuite répartis dans les différentes colonies scolaires, garçons et filles séparément.

Peu après l’arrivée de ce premier groupe, le Supérieur Général des Spiritains , Mgr Alexandre Le Roy,rencontre M Empain et lui propose des locaux dans le séminaire de Chevilly et dans l’ancien noviciat de Grignon à Orly (tout proche). Il y a de la place disponible, de nombreux Spiritains étant sous les drapeaux. La colonie de Chevilly accueillera jusqu’à 321 élèves et celle d’Orly 293.

Les premières religieuses flamandes arrivent le 3 juin 1915 au séminaire de Chevilly, suivies par les élèves et les instituteurs. Certains de ceux-ci sont mariés ; leurs épouses ne pouvant être logées au séminaire, elles le sont au monastère Saint-Michel voisin. C’est par ce biais qu’une aile du monastère Saint Michel sera mise à disposition pour accueillir une centaine de fillettes.

D’un côté les garçons au séminaire de Chevilly, de l’autre les filles au monastère Saint Michel. La proximité des deux permettra que les enfants de Charles Haelewyn soient accueillis sans être dispersés.