GénéGallois

La famille, les histoires et l'Histoire

Septembre 1914

Mardi 1
Céleste continue de faire ses paquets. Papa Guay vient avec Ida. Le père Biquet (?) le reconduit à midi car on vient nous dire que le canton de Neuilly St Front est envahi par l’ennemi. Ils rencontrent plein d’émigrés.
Mercredi 2
Départ de Félicie pour Champillon. On prépare les voitures et l’avoine pour partir en cas d’alerte. Les Allemands passent toute l’après-midi et on croit que ce sont des Anglais. Ils viennent à la Gonéterie chercher tout ce que nous avons et nous disent que ce sont eux l’ennemi . On doit se battre dans la nuit. Celeste Yvonne et Ida vont coucher à Etrepilly.
Jeudi 3
Ils prennent Lamy (?) Gaby et Charmante. Ils nous laissent une jument qui ne peut plus marcher. Nous n’avons pas dormi de la nuit. Nous avons couché dans une cave chez Julia le matin les ennemis viennent prennent des provisions chez Julia. Ils mettent papa en joue avec leur revolver. L’après midi nous venons chercher des vaches à Julia et je trouve ma maison saccagée. Ils ont pris tout le vin l’eau de vie du linge. Comtesse et Boulotte parti en réquisition avec le père Commun.
Vendredi 4
Papa maman et moi viennent faire un tour à la Gonéterie. Les parents vont à Chateau. On leur prend leur cheval et voiture. Je pars à Etrepilly à pied et les parents arrivent derrière moi à pied de Chateau. Ils prennent Jolie et ramène un cheval déferré.
Samedi 5
Papa maman et moi allons faire un tour à Bouresches. Trouvons tout pillé et Marie partie. Les ennemis viennent encore aux provisions mais ne sont pas méchants.
Dimanche 6
Je reviens coucher à la Gonéterie. Nous n’avons pas de pain le midi mais le soir le père Riquet va chercher Yvonne et Ida. Des allemands viennent pour chercher des chevaux mais ils ne trouvent pas les nôtres assez beaux. Berthe vient chercher des vaches. Les hommes de Bouresches enterrent les chevaux morts. Les parents vont coucher à Chateau avec Loulou.
Lundi 7
Les parents arrivent de Chateau. Ils disent que c’est un désert partout. Maman déjeune avec nous et nous allons à Etrepilly l’après-midi. C’est aujourd’hui l’anniversaire d’Alexandre. Ses 29 ans. Je lui fais un petit bouquet pour qu’il voie que j’ai pensé à lui. Maintenant plus de nouvelles puisque nous sommes Allemands.

Voir http://www.sambre-marne-yser.be/article.php3?id_article=86

Mardi 8
L’ennemi nous prend une pouliche qu’ils nous avaient laissée. Ce matin on entend le canon gronder partout c’est terrible et ce matin c’était une fusillade du côté de Lauconoy nous commencions à avoir la frousse. Les Allemands reviennent sur leurs pas je ne sais s’ils sont en déroute. Un chef vient nous demander la route de Villers Cotterets. Les aéroplanes n’arrêtent pas pendant 3 heures.Toute la journée il passe des troupes allemandes. C’est incroyable. Beaucoup de blessés arrivent à Chateau.
Mercredi 9
La journée s’annonce encore assez mouvementée. On entend toujours le canon tout près. Les Allemands passent toujours et des aéroplanes. Le père Antoine me ramène un cheval qu’il a trouvé mais je le renvoie. Les parents ont couché à Etrepilly qui était plein d’Allemands. Ils ont pillé chez Julie (?). Ils vont faire un tour à Chateau et reviennent vers 3 heures. Nous avons une fusillade tout près de la Gonéterie. Nous entendions les obus siffler de dedans la cave. Les Prussiens sont en déroute. Encore un peu les parents étaient en plein dans la bataille. Nous voyons les premiers Anglais et Français vers 4 heures.
Jeudi 10
Nous voyons des troupes toute la journée. Ils viennent chercher des provisions à la Gonéterie et je n’ai pas grand chose à leur donner. Le soir nous en j’en ai logé une masse. Il y en a partout de couché jusque dans la maison sur de la paille. Ils coupent les fils des entourages partout. Les bêtes sont sauvées encore heureux que nos poulains sont rentrés.
Vendredi 11
Les gendarmes nous ramènent 4 chevaux de Prussiens. Départ des soldats vers 6 heures. Quel remue-ménage. Dire que mon Alexandre est comme cela. Dans la matinée il faut mener ce qu’il reste de chevaux à Grand Rue. C’est un lieutenant de gendarmerie qui les réquisitionne. Il nous prend Lisette et Charmante et une pouliche que les Prussiens nous avaient changé. Il ne reste que Bichette que papa a fait apsser comme poulinière. J’ai la mission de faire enterrer un cheval qui est dans la grand pièce dans un délai de deux heures ou on me dresse procès verbal. Deux Anglais arrivent pour loger vers 2h de l’après-midi.
Samedi 12
Il pleut. Nos Anglais ne se font pas de bile se lèvent à 7 heures. Ils partent vers 8h et se dirigent sur Torcy. L’après-midi on entend bien le canon. On croirait qu’il rapproche pour que les Allemands ne reviennent pas. On commence à avoir la frousse. Un homme dit à la mère Riquet que les Anglais ont fait des prisonniers à Chézy et que l’ennemi a tué des civils. Mais ce n’est peut-être pas vrai. Il paraît que le pauvre père Commun (?) s’est fait écraser par ses chevaux à Chézy sur Marne. Je ne sais où est notre attelage.
Dimanche 13
Nous avons eu un orage toute la nuit. Les pauvres soldats ne doivent pas être heureux d’un temps pareil. Le père Edmond vient nous rendre visite ce matin. Ils sont rentrés d’hier à 9h. La pauvre petite Odette est morte. On doit l’enterrer demain. Papa et maman Hourdry déjeunent avec nous. Nous n’avons pas de pain. Madame Riquet en a fait ce matin. Elle arrive après déjeuner. On prend 9 Allemands à Veaux. On entend moins le canon qu’à l’ordinaire. On dit que les Allemands sont cernés dans la forêt de Villers Cotterets.
Lundi 14
Enterrement de la petite Odette. Céleste y assiste avec Mme Hourdry de Chateau. La petite Léonie n’a pas bonne mine. Mr et Mme Riquet vont voir leur belle fille à la briqueterie. Visite du régisseur de Mr Plouin de Tafournay. Il vient nous faire savoir que nous avons des bœufs dans sa région.
Mardi 15
Venue de papa Guay. Il profite de la voitue de Mr Besse (?) à Chézy ça va. Les Prussiens leur ont fait des misères aussi. Constant est revenu en convalescence d’un mois. Victorine est parti on ne sait où. Ma tante Célestine loge avec eux. Enterrement de M Lepienne (?). Retour de Mr Riquet.
Mercredi 16
Aujourd’hui pas grand chose. Madame Riquet nous fait du pain il est excellent. Léonie et Berthe viennent reconnaître leurs bestiaux.Le père Edmond vient chercher celles de Marie. Nous devons aller à Moncourt voir après d’autres bêtes. A donner 15 f à Mme Maflard
Jeudi 17
Nous avons eu un temps affreux. Nos pauvres soldats vont être bien malheureux. Que le Bon Dieu veuille que e soit bientôt fini. On n’entend presque plus le canon. D’un temps pareil nous n’avons pas pu aller dans les prés. On va chercher du benzol à Etrepilly.
Vendredi 18
On a rétabli le marché à Chateau pour la 1ère fois depuis les Prussiens. Léonie et Berthe viennent reconnaître leurs bêtes. Nous allons au Cléranbeau (?) avec Papa. La petite de Bouresches ne va pas. Léonie en retrouve et moi j’en reconnais 2 mais c’est embêtant je ne sais pas mon compte et je ne les connais pas à moitié.
Samedi 19
Le temps est toujours à la pluie. L’après-midi la mère de Félicie vient voir quand sa fille pourra venir. Elle nous dit qu’ils n’ont vu ni Prussiens ni Français. Ils ont encore leus chevaux. Le père Antoine m’apprend la mort de la petite fille de Marie.
Dimanche 20
Pluie. Maman et moi avons été à l’enterrement de la petite Léonie à Bouresches. Pauvre Léon, quand il reviendra quel changement. Le soir vers quatre heures nous avons eu la visite de 3 soldats conduits par Auguste Pascar (?) ils étaient la recherche de 6 Prussiens.
Lundi 21
Il pleut toujours. Je ne sais comment on fera pour rentrer les avoines si ce temps continue. Après midi on a acheté les chevaux prussiens. Ils marchent bien à l’exception de celui du père Riquet qui ne veut pas sentir les traits (?). Julia envoie chercher ses taureaux. Maman reste avec nous l’après-midi. Papa déjeune ici.
Mardi 22
Le temps s’est maintenu toute la journée. Il faisait même un beau soleil l’après-midi. Mr et Me Riquet sont allés à Chateau le matin. Ils disent qu’on espère que la paix sera signée dans un mois. Si seulement cela était vrai quel bonheur. Ils nous ramènent 2 sacs de pain pour les chiens. C’est ce que les Anglais ont eu de trop. Après midi on n’entend plus le canon. Les Allemands doivent s’éloigner.
Mercredi 23
Beau. On commence à herser la terre à blé dans la grande pièce. L’avoine va être bonne à rentrer. Il y en a pas mal de germée. Les parents ont été aux Vallées hier. Ils nous ont ramené 2 poulains de chez Adrien. Ils se sont sauvés et ils ont encore tous leurs chevaux. On voit pas mal de soldats qui battent les bois et la plaine à la recherche des Allemands.
Jeudi 24
Beau. Ce matin il a fallu descendre ces fameux chevaux prussiens que les gendarmes français nous avaient laissés. Ils nous ont renvoyé une jument en recommandant de ne pas la mettre avec les autres. Ma foi tant pis on la fait travailler. On demande un cheval à Bouresches. On charrie toujours de l’avoine. Les gendarmes viennent voir si je ne cache pas de chevaux. Si le temps continue, on n’aura pas encore à se plaindre. La moisson sera assez vite rentrée pour la cironstance. Papa descend à Chateau à pied.
Vendredi 25
Papa vient à pied. Le père et Madame Riquet vont au marché. Profit 30 francs. Cela ne fait pas de mal de toucher un peu d’argent en ce moment. Marie nous envoie un cheval. Pas moyen de l’atteler.Ma foi je le renvoie plutôt que de faire casser les pattes aux autres. Mais elle n’en renvoie pas d’autre. La Poste commence à marcher. Mme Riquet reçoit 1 lettre. Je ne serais peut-être pas longtemps à avoir des nouvelles.
Samedi 26
Beau temps. On charrie toujours. Papa et Maman viennent à pied à Etrepilly et la Gonetterie. Pas beaucoup de nouvelles. Alexandre doit m’avoir écrit mais le facteur laisse la lettre à Bouresches. Les gendarmes viennent voir si j’ai encore des chevaux des Prussiens. On entend encore bien le canon. Cela fait peur. C’est à vous dégoûter de travailler qurtout que l’on a peu en retour. Cette fois je crois que je me sauverais.
Dimanche 27
Beau temps. Mr Riquet me conduit faire un petit tour à Chézy avec Yvonne. Les parents commencent à s’ennuyer. Papa devait venir d’ici quelques jours. Victorine vient avec Juliette et Edith. Elle a reçu 4 ou 5 lettres de Charles mais elle ne sait pas au juste où il est. La maison de ses parents est brûlée. Ils ont encore leurs chevaux. Ils se sont sauvés jusque dans l’Yonne. J’ai reçu une lettre d’Alexandre mais elle date du 21 août. Je suis bien inquiète. Voudrais bien recevoir nouvelles fraiches. Ai aussi une carte d’Adrien. Il est blessé et à Vichy.
Lundi 28
J’envoie une carte à Alexandre et Adrien. Je reçois 2 lettres d’Alexandre, 1 carte d’Adrien et la première lettre que j’avais adressée à mon mari car car je n’avais pas indiqué la compagnie. Suis bien contente d’avoir de ses nouvelles. Sa dernière lettre était du 21 septembre. Papa et maman viennent à pied. Le frère de Mme Albek (?) vient acheter 8 œufs. Retour de Félicie. Sa mère nous emmène un cheval de chez Alfred. Les Anglais viennent encore voir pour des chevaux mais ils nous laissent tout de même les nôtres. Léonie vient trier ses bêtes avec Berthe. Moi je compte les nôtres. J’en trouve 70 et je croyais n’en avoir que 67. Je me demande comment je vais faire pour retrouver mon compte.
Mardi 29
J’écris une longe lettre à Alexandre. Envoie des nouvelles à Chézy par l’intermédiaire de Victorine. Reçois journaux. Les premiers depuis l’invasion des Allemands. Fini de charrier l’avoine dans la grande pièce vers 11h. Papa vient à pied. On charrie l’avoine du Bochet Fiacre. Il y en 2h50 de perdue complètement. Tout est germé. Compté nos bestiaux avec Papa. Sur le livre je trouve qu’il me faut 72 bêtes et je n’en ai que 70. Papa dit qu’il manque 2 grosses génisses du vagon/verger (?) de Mr Cerf. Fait le compte de nos (pertes ? petits ?) attirail chevaux produits à _ vins etc… total 11867 francs sans compter avoine foin paille.
Mercredi 30
Beau temps. J’envoie une carte à Adrien. Nous allons compter nos bêtes dans les prés Edouard et moi. J’en trouve 3 en moins 2 grosses génisses et le bœuf de la décote de la foire à Croucy. Il m’en faudrait 73. Les parents arrivent à pied. Papa avec le père Antoine entraite (?) les 2 poulains et une pouliche. Maman et moi allons à Etrepilly. Ils logent des soldats. Le père Leroy finit son calvernage et viendra compter dimanche. Fini de rentrer les avoines à 11 heures. Il y a un an qu’Adrien est marié. Nous avons entendu un bruit sourd comme du canon mais sans interruption semblant venir d’en haut. Ce bruit a été entendu à Chateau à Boouresches et sans doute aussi ailleurs.

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